Une page d'amour by Émile Zola

Une page d'amour by Émile Zola

Auteur:Émile Zola [Zola, Émile]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Ebooks lires et gratuits
Publié: 2010-05-15T04:00:00+00:00


Chapitre IV

En août, le jardin du docteur Deberle était un véritable puits de feuillage. Contre la grille, les lilas et les faux ébéniers mêlaient leurs branches, tandis que les plantes grimpantes, les lierres, les chèvrefeuilles, les clématites, poussaient de toutes parts des jets sans fin, qui se glissaient, se nouaient, retombaient en pluie, allaient jusque dans les ormes du fond, après avoir couru le long des murailles ; et, là, on aurait dit une tente attachée d’un arbre à l’autre, les ormes se dressaient comme les piliers puissants et touffus d’un salon de verdure. Ce jardin était si petit, que le moindre pan d’ombre le couvrait. Au milieu, le soleil à midi faisait une seule tache jaune, dessinant la rondeur de la pelouse, flanquée de ses deux corbeilles. Contre le perron, il y avait un grand rosier, des roses thé énormes qui s’épanouissaient par centaines. Le soir, quand la chaleur tombait, le parfum en devenait pénétrant, une odeur chaude de roses s’alourdissait sous les ormes. Et rien n’était plus charmant que ce coin perdu, si embaumé, où les voisins ne pouvaient voir, et qui apportait un rêve de forêt vierge, pendant que des orgues de Barbarie jouaient des polkas dans la rue Vineuse.

– Madame, disait chaque jour Rosalie, pourquoi Mademoiselle ne descend-elle pas dans le jardin ?… Elle serait joliment à son aise sous les arbres.

La cuisine de Rosalie était envahie par les branches d’un des ormeaux. Elle arrachait des feuilles avec la main, elle vivait dans la joie de ce colossal bouquet, au fond duquel elle n’apercevait plus rien. Mais Hélène répondait :

– Elle n’est pas encore assez forte, la fraîcheur de l’ombre lui ferait du mal.

Cependant, Rosalie s’entêtait. Quand elle croyait avoir une bonne idée, elle ne la lâchait point aisément. Madame avait tort de croire que l’ombre faisait du mal. C’était plutôt que Madame craignait de déranger le monde ; mais elle se trompait, Mademoiselle ne dérangerait pour sûr personne, car il n’y avait jamais âme qui vive, le monsieur n’y paraissait plus, la dame devait rester aux bains de mer jusqu’au milieu de septembre ; cela était si vrai, que la concierge avait demandé à Zéphyrin de donner un coup de râteau, et que, depuis deux dimanches, Zéphyrin et elle y passaient l’après-midi. Oh ! c’était joli, c’était joli à ne pas croire !

Hélène refusait toujours. Jeanne semblait avoir une grosse envie d’aller dans le jardin, dont elle avait souvent parlé pendant sa maladie ; mais un sentiment singulier, un embarras qui lui faisait baisser les yeux, paraissait l’empêcher d’insister auprès de sa mère. Enfin, le dimanche suivant, la bonne se présenta, tout essoufflée, en disant :

– Oh ! Madame, il n’y a personne, je vous le jure. Il n’y a que moi et Zéphyrin qui ratisse… Laissez-la venir. Vous ne pouvez pas vous imaginer comme on est bien. Venez un peu, rien qu’un peu, pour voir.

Et elle était si convaincue, qu’Hélène céda. Elle enveloppa Jeanne dans un châle et dit à Rosalie de prendre une grosse couverture.



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